· Traitement de l'eau · 7 min read
Chlore dans l'eau : Ami ou ennemi ?
Pourquoi mon eau sent-elle la Javel ? Le chlore est-il dangereux pour la santé ? Tout savoir sur ce désinfectant omniprésent.
Introduction : Le goût de la sécurité
C’est la critique numéro 1 faite à l’eau du robinet : “Elle a un goût de Javel !“. Pour beaucoup de Français, cette odeur est synonyme de produit chimique, de traitement artificiel, voire de danger. Certains préfèrent même acheter de l’eau en bouteille uniquement pour cette raison.
Pourtant, sans chlore, boire de l’eau au robinet serait une roulette russe sanitaire. Le chlore est le gardien de notre santé, le bouclier qui empêche le retour du choléra et de la typhoïde. C’est l’un des progrès majeurs de la santé publique du XXe siècle.
Mais ce gardien est-il sans défaut ? Pourquoi son dosage varie-t-il ? Est-il toxique à long terme ? Et surtout, comment se débarrasser de ce goût désagréable sans perdre la sécurité ? Décryptage d’un mal nécessaire.
1. Pourquoi met-on du chlore dans l’eau ?
Contrairement à une idée reçue, le chlore ne sert pas à “nettoyer” l’eau (ça, c’est le rôle de la filtration), mais à la sécuriser.
La notion de “Rémanence”
C’est la clé. Il existe d’autres désinfectants plus puissants que le chlore, comme l’ozone ou les ultraviolets (UV). Les usines d’eau les utilisent souvent. Mais ces méthodes ont un défaut : elles agissent instantanément et disparaissent. Une fois l’eau sortie de l’usine, elle n’est plus protégée.
Or, l’eau doit parcourir des kilomètres de tuyaux, parfois pendant plusieurs jours, avant d’arriver à votre robinet. Dans ce réseau noir et tempéré, des bactéries pourraient s’infiltrer (via une fissure, un joint) ou se multiplier (biofilm). Le chlore a une propriété unique : la rémanence. Il reste actif dans l’eau pendant longtemps. Il agit comme une “police de proximité” qui patrouille dans les tuyaux jusqu’à votre verre.
Le plan Vigipirate
En France, le plan Vigipirate impose une concentration minimale de chlore libre en sortie de réservoir (généralement 0,3 mg/L) pour protéger le réseau contre des actes de malveillance (bioterrorisme) ou des intrusions. C’est une question de sécurité nationale.
2. Le goût et l’odeur : Une histoire de chimie
Pourquoi l’eau sent-elle parfois très fort, et parfois rien du tout ?
Chlore libre vs Chloramines
- Chlore libre : C’est le chlore “frais”, disponible pour désinfecter. Il a une odeur, mais assez volatile.
- Chloramines : C’est le chlore “usé”. Quand le chlore rencontre de la matière organique (bactéries, sueur, humus) ou de l’ammoniaque, il réagit et forme des chloramines. Ce sont elles qui ont cette odeur piquante et désagréable de “piscine”.
Paradoxe : Une forte odeur de chlore signifie souvent que le chlore a beaucoup “travaillé”, donc que l’eau contenait des impuretés ou que le réseau est sale. Une eau très propre avec du chlore libre sentira moins fort qu’une eau sale avec des chloramines.
Les variations
- La température : L’eau froide masque le goût. L’eau tiède l’exacerbe.
- La distance : Si vous habitez près du château d’eau (point d’injection), vous aurez plus de chlore. Si vous êtes en bout de réseau, vous en aurez moins (il s’est consommé en route).
- La saison : En hiver, le chlore se dégrade moins vite.
3. Est-ce dangereux pour la santé ?
Toxicité aiguë : Non
Les doses injectées sont infimes : environ 0,1 à 0,5 milligramme par litre. Pour comparaison, l’eau de Javel pure est concentrée à 26 000 mg/L. Il n’y a aucun risque d’intoxication ou de brûlure avec l’eau du robinet. L’OMS a fixé une valeur guide à 5 mg/L, soit 10 à 50 fois plus que la dose habituelle.
Effets à long terme : La question des sous-produits
Le chlore lui-même n’est pas cancérigène aux doses ingérées. Le souci vient de ses “enfants” : les sous-produits de désinfection (voir l’article sur les THM). En réagissant avec la matière organique, le chlore forme des trihalométhanes (THM) qui sont suspectés d’être cancérigènes (vessie) à très long terme. C’est un calcul bénéfice/risque : le risque immédiat et mortel d’une épidémie bactérienne est infiniment supérieur au risque théorique à long terme des sous-produits, qui sont par ailleurs réglementés et surveillés.
Microbiote intestinal
Certains s’inquiètent de l’effet du chlore sur notre flore intestinale (nos bonnes bactéries).
- Le chlore est très réactif. Dès qu’il touche la salive et les aliments dans l’œsophage, il réagit et se neutralise. Il n’arrive quasiment jamais sous forme active dans l’intestin. Il n’a donc pas d’impact significatif prouvé sur le microbiote, contrairement aux antibiotiques.
4. Comment enlever le goût du chlore ? (Astuces)
La bonne nouvelle, c’est que le chlore est très facile à éliminer chez soi. Pas besoin d’appareils coûteux.
1. La méthode “Carafe au frigo” (Gratuite et Efficace)
Le chlore est un gaz dissous (volatil).
- Remplissez une carafe d’eau du robinet.
- Laissez-la ouverte (ou avec un bouchon non hermétique).
- Mettez-la au réfrigérateur pendant 1 heure (ou 2h à température ambiante).
- Résultat : Le chlore s’évapore. L’eau n’a plus aucun goût de Javel. De plus, l’eau fraîche anesthésie légèrement les papilles, masquant les éventuels autres goûts.
2. Le jus de citron
Quelques gouttes de jus de citron (vitamine C / acide ascorbique) neutralisent chimiquement le chlore presque instantanément. C’est une réaction d’oxydoréduction.
3. La filtration (Charbon actif)
Le charbon actif adsorbe le chlore très efficacement.
- Carafes filtrantes.
- Filtres sur robinet.
- Frigo américain. C’est radical, mais cela demande de l’entretien (changer les filtres).
5. Chlore et Peau : Ça gratte ?
Si boire de l’eau chlorée est sûr, se laver avec peut être irritant pour les peaux sensibles.
Dessèchement cutané
Le chlore attaque le film hydrolipidique (le gras) qui protège notre peau. Cela peut provoquer :
- Tiraillements après la douche.
- Démangeaisons.
- Aggravation de l’eczéma ou du psoriasis.
Solutions
- Hydratation : Crème hydratante après la douche.
- Filtre douche : Il existe des pommeaux de douche contenant des billes de sulfite de calcium ou du KDF qui transforment le chlore en chlorure (inoffensif) avant qu’il ne touche la peau. C’est très efficace pour les peaux atopiques.
- Moins chaud : L’eau chaude dilate les pores et augmente l’action du chlore.
6. Environnement : Et mes plantes ?
Arrosage
Les plantes n’aiment pas trop le chlore, qui peut tuer les micro-organismes bénéfiques du terreau.
- Conseil : Comme pour la boisson, laissez reposer l’eau dans l’arrosoir 24h avant d’arroser. Le chlore s’évaporera et l’eau sera à température ambiante (moins de choc thermique pour les racines).
Aquariophilie
Le chlore est mortel pour les poissons (il brûle leurs branchies).
- Il faut impérativement utiliser un produit conditionneur d’eau (qui neutralise le chlore et les métaux) ou laisser reposer l’eau 24h à 48h (avec un bulleur pour accélérer) avant de la mettre dans l’aquarium. Attention aux chloramines qui sont plus stables et ne s’évaporent pas bien (nécessitent un conditionneur spécifique).
7. Foire Aux Questions (FAQ)
Q : L’eau bouillie contient-elle encore du chlore ? R : Non. L’ébullition élimine le chlore très rapidement (en quelques minutes). C’est pourquoi le thé ou le café faits avec de l’eau du robinet n’ont généralement pas le goût de chlore.
Q : Pourquoi l’eau de Javel est-elle toxique si le chlore est sûr ? R : C’est une question de dose. L’eau de Javel est ultra-concentrée et corrosive. L’eau potable contient une trace infinitésimale de chlore. C’est comme le sel : une pincée rehausse le plat, un kilo vous tue.
Q : Existe-t-il de l’eau du robinet sans chlore ? R : Oui, dans certains pays. Aux Pays-Bas ou en Allemagne, certaines villes ne chlorent pas l’eau. Mais cela demande un réseau de distribution ultra-moderne, parfaitement étanche, et une eau puisée très pure. En France, vu l’état des réseaux, le chlore reste obligatoire.
Q : Le chlore blanchit-il les dents ? R : Non. Les concentrations sont trop faibles.
Q : Peut-on être allergique au chlore de l’eau ? R : C’est rare. On parle plutôt d’hypersensibilité ou d’irritation (peau, yeux, voies respiratoires) due aux chloramines (surtout en piscine), mais pas d’une allergie au sens immunologique (comme l’arachide).
8. Glossaire
- Chlore libre : Chlore actif disponible pour la désinfection.
- Chlore total : Somme du chlore libre et du chlore combiné (chloramines).
- Chloramines : Composés formés par la réaction du chlore avec l’ammoniaque ou les amines organiques. Responsables de l’odeur et de l’irritation.
- Rémanence : Capacité d’un désinfectant à rester actif dans le temps.
- Vigipirate : Dispositif de sécurité nationale français imposant des normes de chloration accrues.
Conclusion
Le chlore est un mal-aimé. Son goût nous déplaît, son odeur nous rappelle l’hôpital ou la piscine, et son nom évoque la chimie industrielle. Pourtant, c’est un gardien silencieux et efficace. Il est le garant que l’eau qui coule de votre robinet, qu’il soit 3h du matin ou 14h, en centre-ville ou à la campagne, est exempte de virus et de bactéries mortelles.
Le “confort” organoleptique (le goût) peut être facilement amélioré par des gestes simples (carafe, froid). Ne laissons pas une simple odeur nous priver de l’eau la plus écologique et la plus économique qui soit.
Testez vos connaissances sur le Chlore
Savez-vous comment faire disparaître le goût de Javel ? Faites le quiz !