· Environnement & Société · 7 min read
L'eau dans le monde : Or bleu et géopolitique
Abondante mais rare, l'eau est au cœur des enjeux du XXIe siècle. Répartition inégale, stress hydrique, conflits... Quel avenir pour l'or bleu ?
Introduction : La Planète Bleue… mais salée

On appelle la Terre la “Planète Bleue” car elle est recouverte à 70% d’eau. Mais attention aux illusions d’optique :que l’abondance est totale et éternelle. C’est une illusion d’optique.
La réalité est cruelle : 97,5% de cette eau est salée (océans), impropre à la consommation et à l’agriculture. Sur les 2,5% d’eau douce restants, la grande majorité est piégée dans les glaces des pôles ou enfouie dans des nappes profondes inaccessibles. Au final, moins de 1% de l’eau terrestre est de l’eau douce liquide disponible pour les 8 milliards d’humains et l’ensemble des écosystèmes terrestres.
Si l’on ramenait toute l’eau de la Terre à un bidon de 5 litres, l’eau douce disponible ne représenterait qu’une cuillère à café. Et cette cuillère est très mal partagée.
1. Une répartition inégale : La loterie géographique
L’eau ne connaît pas les frontières, mais elle connaît les injustices.
- Les géants de l’eau : 9 pays se partagent 60% des ressources mondiales en eau douce (Brésil, Russie, Canada, Chine, Indonésie, USA, Colombie, Pérou, Inde).
- Les zones arides : Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) abritent 6% de la population mondiale mais seulement 1% des ressources en eau.
Cette inégalité naturelle est aggravée par les infrastructures. Avoir de l’eau dans son sous-sol ne suffit pas, il faut pouvoir la pomper, la traiter et la distribuer. En Afrique subsaharienne, la pénurie est souvent “économique” (manque d’infrastructures) plus que physique.
2. Le Stress Hydrique : Quand la demande dépasse l’offre
On parle de stress hydrique quand la demande en eau dépasse les ressources disponibles, ou quand la qualité est trop mauvaise pour l’utiliser. Selon l’ONU, d’ici 2050, une personne sur quatre vivra dans un pays affecté par une pénurie d’eau chronique ou récurrente.
Les causes de la soif
- Démographie : Plus d’humains = plus de bouches à nourrir et à abreuver.
- Agriculture (70%) : C’est le grand consommateur. L’agriculture irriguée engloutit 70% de l’eau douce mondiale. Il faut 15 000 litres d’eau pour produire 1 kg de bœuf, contre 1 300 litres pour 1 kg de blé. Le changement des régimes alimentaires vers plus de viande aggrave la pression.
- Industrie et Énergie (20%) : Centrales nucléaires, usines textiles, mines.
- Domestique (10%) : Notre consommation au robinet est la part la plus faible, mais la plus exigeante en qualité.
3. L’Eau virtuelle : Nous mangeons plus d’eau que nous n’en buvons
Le concept d’empreinte eau (Water Footprint) révèle l’eau cachée dans nos produits. L’eau virtuelle est l’eau qui a été nécessaire pour fabriquer un bien, tout au long de sa chaîne de production.
- 1 T-shirt en coton = 2 700 litres d’eau (irrigation du coton).
- 1 tasse de café = 140 litres d’eau (culture du caféier).
- 1 smartphone = 12 000 litres d’eau (extraction des métaux rares, lavage des puces).
Quand l’Europe importe des tomates du Maroc ou des T-shirts du Bangladesh, elle “importe” virtuellement l’eau de ces pays, souvent déjà en stress hydrique. Nous vivons au-dessus de nos moyens hydriques en épuisant les réserves des autres.
4. Géopolitique : Les guerres de l’eau auront-elles lieu ?
L’eau est devenue un enjeu stratégique majeur, source de tensions entre les nations qui se partagent les mêmes fleuves (bassins transfrontaliers).
Les points chauds
- Le Nil : L’Égypte dépend à 97% du Nil. La construction du “Grand Barrage de la Renaissance” par l’Éthiopie en amont est vécue comme une menace existentielle par Le Caire.
- Le Tigre et l’Euphrate : La Turquie contrôle les sources et a construit d’immenses barrages (projet GAP), réduisant le débit vers la Syrie et l’Irak en aval.
- Le Jourdain : Le contrôle de l’eau est un élément clé du conflit israélo-palestinien.
- Le Mékong : La Chine a construit des barrages en amont, modifiant le régime du fleuve vital pour le Vietnam, le Cambodge et le Laos.
Cependant, l’histoire montre que l’eau est plus souvent un facteur de coopération (traités, commissions mixtes) que de guerre ouverte. Les pays préfèrent négocier que de bombarder des barrages (ce qui serait un crime de guerre et une catastrophe écologique).
5. Le changement climatique : L’accélérateur de crise
Le réchauffement climatique bouleverse le cycle de l’eau. Il ne réduit pas forcément la quantité totale d’eau sur Terre, mais il change où et quand elle tombe.
- Intensification : Les zones humides deviennent plus humides (inondations), les zones sèches deviennent plus sèches (sécheresses).
- Fonte des glaciers : Les glaciers de l’Himalaya (“château d’eau de l’Asie”) et des Andes fondent. À court terme, cela augmente le débit, mais à long terme, c’est la disparition des réserves d’été pour des milliards de personnes.
- Élévation du niveau de la mer : L’eau salée s’infiltre dans les nappes phréatiques côtières (biseau salé), rendant l’eau douce imbuvable (ex: Bangladesh, Floride).
6. Solutions : Vers une nouvelle culture de l’eau
L’humanité doit passer d’une logique de “l’offre” (toujours plus de barrages et de tuyaux) à une logique de la “demande” (sobriété et efficacité).
1. L’efficacité agricole (“More crop per drop”)
- Remplacer l’irrigation par inondation (gaspillage énorme) par le goutte-à-goutte.
- Choisir des cultures adaptées au climat (pas de maïs dans le désert).
- Réutiliser les eaux usées traitées pour l’irrigation (Israël réutilise 85% de ses eaux usées).
2. Les solutions technologiques
- Désalinisation : Produire de l’eau douce à partir de l’eau de mer. C’est vital pour les pays du Golfe, Israël ou Singapour. Mais c’est très énergivore et rejette de la saumure toxique pour les fonds marins.
- Réutilisation (REUSE) : Recycler l’eau des toilettes pour en faire de l’eau potable. C’est techniquement possible et sûr (Windhoek en Namibie le fait depuis 50 ans, Singapour avec la NEWater), mais le blocage est psychologique (“facteur beurk”).
3. La sobriété
Réduire le gaspillage, réparer les fuites (20 à 30% de l’eau potable est perdue dans les fuites de réseau en France !), réduire notre consommation de viande et de produits jetables.
7. Foire Aux Questions (FAQ)
Q : Y aura-t-il bientôt plus de plastique que de poissons dans l’océan ? R : C’est la prédiction. Si rien ne change, en 2050, le poids des plastiques dépassera celui des poissons. L’océan est la poubelle finale du cycle de l’eau.
Q : L’eau est-elle un droit humain ? R : Oui. L’ONU a reconnu en 2010 le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit fondamental. Mais entre le droit théorique et la réalité (2 milliards de personnes sans eau potable sûre), le fossé est immense.
Q : L’eau va-t-elle devenir plus chère que l’or ? R : Non, mais elle va devenir chère. L’eau a une valeur vitale infinie mais une valeur économique faible. Le prix de l’eau va augmenter pour financer les traitements (pollutions) et la raréfaction, mais elle restera (espérons-le) un bien commun accessible, contrairement à l’or qui est un actif spéculatif.
Q : Peut-on boire l’eau des icebergs ? R : Oui. C’est de l’eau douce très pure (congelée il y a des milliers d’années). Certains entrepreneurs vendent de l’eau d’iceberg à prix d’or, une aberration écologique.
8. Glossaire
- Stress hydrique : Situation où la demande en eau dépasse les ressources disponibles (< 1700 m³/habitant/an).
- Pénurie : Stress hydrique sévère (< 1000 m³/habitant/an).
- Eau virtuelle : Volume d’eau nécessaire à la fabrication d’un produit.
- Aquifère : Formation géologique contenant de l’eau (nappe phréatique).
- Désalinisation : Processus de retrait du sel de l’eau de mer (osmose inverse ou distillation).
Conclusion
L’eau est le miroir de nos sociétés. Sa gestion reflète notre capacité à partager, à prévoir et à protéger le vivant. Le XXIe siècle sera le siècle de l’eau. Nous avons les technologies et les connaissances pour éviter la catastrophe. Ce qui manque souvent, c’est la volonté politique et la conscience individuelle que chaque goutte compte. L’eau n’est pas un produit commercial comme un autre, c’est le sang de la Terre.
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